Ma dernière lettre s’ouvrait sur cette phrase : « J’ai du mal à tenir le rythme d’écriture de cette infolettre ces dernières semaines, et une fois n’est pas coutume c’est plutôt pour d’heureuses raisons. ». C’était il y a un mois, j’ai l’impression que c’était il y a une décennie. J’ai publié ma lettre et le dimanche suivant j’ai filé, comme à mon habitude, tenir un bureau de vote pour les élections européennes.
Être assesseure c’est utile mais pénible, il faut y sacrifier tout un dimanche. Quand on est dans une grande ville comme Paris on y va à 7h45 et on en repart à 22h30. On baille beaucoup en attendant désespérément les Thermos de café livrés par la mairie et on blague un peu. On fait émarger les électeur•trices et on leur dit « allez, à dans deux ans ! ». Puis vient 20h, on s’installe pour dépouiller et une notification apparait sur mon téléphone « dissolution de l’Assemblée nationale ». Je me retiens de pleurer, je rêve du verre de vodka ou de boukha que je ferai couler dans mon gosier pour m’aider à trouver le sommeil à la fin de la soirée. C’était il y a un mois et depuis tout s’accélère, les fachos se sentent pousser des ailes et des centaines de décérébré•es pourraient siéger à l’Assemblée dès la semaine prochaine.
Un mois qu’on carbure tous•tes à la colère et à la peur et que partager des recettes pourrait sembler dérisoire, pourtant, raconter sa cuisine et celles des autres c’est toujours un bon moyen de faire preuve d’humanité et de converser avec celui ou celle qui ne nous est pas tout à fait semblable. Ça nous rappelle que la pureté est une illusion et ça nous aide à comprendre les trajectoires souvent complexe des populations que l’on croise.
Cette semaine pour prendre des forces avant l’aller battre l’extrême-droite dans les urnes, nous cuisinerons du Muhammara, un délicieux « dip » syrien composé de poivrons, de noix et de mélasse de grenade. L’association de ces trois ingrédients crée un goût fabuleux et addictif, un équilibre parfait entre le sucre, le sel, l’acide, et le gras des noix. Pour moi (en terme d’addiction et de sapidité) c’est l’équivalent estival du houmous de butternut, un plat à servir en toutes occasions et tout l’été.
Daï est née, longue vie à elle !
Mais avant de vous livrer cette recette, laissez-moi vous annoncer la naissance de la nouvelle revue juive « Daï ! ». Le 12 novembre dernier, alors que le RN avait prévu de faire une énième opération de blanchiment de leur haine en s’invitant à une marche contre l’antisémitisme, un groupe ayant la volonté de les dégager de la manifestation s’est formé et par cet acte fondateur a donné naissance au collectif Golem.
Le Golem est une créature du folklore juif, un grand bonhomme d’argile dépourvu de parole qui protège les juif•ves des accusations de meurtre rituels et des pogroms (un genre de Hulk, quoi). Ce collectif se veut être la maison de tous•tes les juif•ves de gauche et de leurs allié•es. Comme dans tout groupement de gauche et comme dans tout rassemblement de personnes juives, les débats sont sans fin et les opinions divergent parfois grandement. Pour que la pluralité de ces opinions puisse s’exprimer au delà des communiqués émis par le collectif, et sous l’impulsion d’
, l’idée de publier une revue où toutes ces voix pourraient s’exprimer est née.En plus des textes d’analyses politiques, des portraits des membres du collectif seront publiés chaque mois sous différentes formes. Bien entendu en évoquant leurs histoires, iels ne pourront faire l’impasse sur leurs goûts culinaires et évoqueront leur recettes préférées. Maniant mieux la maryse que la réthorique marxiste, je me chargerai d’écrire les recettes des plats qu’ils évoqueront. Le premier numéro est déjà en ligne et je vous laisse y découvrir les recettes de mititei que j’y ai couché sur le papier numérique.
La recette pour un plat de muhammara
1 heure • végétalienne • estivale
Ingrédients :
3 poivrons rouges
2 ou 3 gousses d’ail
70 g de noix (en garder 20g pour le dressage)
3 cuillères à soupe de chapelure
Un jus de citron et ses zestes
Une à 2 cuillères à soupe de mélasse de grenade
Une cuillère à café de paprika
Une cuillère à café de cumin
Une pincée de sel
De l’huile d’olive pour le dressage
Quelques graines de sarrasin (facultatif)
a. Préchauffez votre four à 180°c, grill du haut enclenché. Incisez les poivrons dans la longueur pour pourvoir les ouvrir en deux avec les mains et ainsi en détacher facilement la partie pleine de graines. Une fois les poivrons ouverts, ôtez les graines restantes et les parties blanches.
b. Disposez les poivrons (peau vers le haut) et les gousses d’ail sur une plaque chemisée de papier sulfurisé et enfournez pour 30 à 40 minutes, jusqu’à ce que leur peau cloque, se colore bien et qu’un peu de l’eau des poivrons ne s’évapore.
c. Sortez les poivrons du four et placez-les immédiatement dans un contenant que vous pouvez fermer hermétiquement. Laissez-les refroidir dedans. Tirez délicatement sur les peaux des poivrons pour les enlever, elles devraient partir toutes seules grâce au duo d’opérations que vous venez de faire.
d. Placez les poivrons coupés en grossier morceaux, l’ail rôti déchemisé et tous les autres ingrédients (à l’exception de l’huile d’olive et des quelques noix et graines de sarrasin réservées au dressage) dans le bol d’un robot mixeur, et pulsez jusqu’à obtenir une texture onctueuse.
e. Dressez la mahummara dans une assiette, ajoutez une lampée d’huile d’olive et terminez le dressage avec quelques noix concassées et quelques graines de sarrasin, c’est prêt !
Miam, ça a l'air délicieux. La seule complication me semble être de trouver de la mélasse de grenade (et de la réutiliser dans d'autres recettes ?). Est-ce qu'il y aurait un substitut plus courant peut-être ? ✨ Par ailleurs, la revue a l'air passionnante, merci pour le lien !